Dans le Devoir, nous apprenons que le ministre de l’Énergie et des Ressources naturelles, Pierre Arcand, a présenté les grandes orientations de la future politique énergétique du Québec devant un cercle restreint d’invités[i]. Comment se fait-il que cette politique, âprement discutée depuis 2010, ne soit pas présentée à l’ensemble de la population? Dans une véritable démocratie, cela devrait se faire devant l’Assemblée nationale, pas derrière des portes closes!
Comment se fait-il que tous les citoyens et tous les organismes qui ont présenté des mémoires au BAPE en 2010 (no 273) et en 2015 (no 307), à l’ÉES de 2011 et à celle de 2015, sans oublier la Commission sur les enjeux énergétiques de 2013, n’ont pas été invités? N’ont-ils pas participé, eux aussi, au débat? Pourquoi ce deux poids, deux mesures? Pourtant, sur 200 mémoires présentés au BAPE de 2010, 160 étaient opposés à l’extraction des gaz de schiste. Et les personnes, compagnies et organismes qui ont présenté les 40 mémoires qui y étaient favorables avaient des intérêts financiers à défendre. Cent soixante sur 200, c’est 80 %; le consensus social est là!
Mais ce résultat n’était pas favorable à l’industrie extractive. D’où la multiplication d’études qui avaient pour but d’épuiser les citoyens et de fabriquer de toutes pièces un « pseudo consensus social ». Dans l’invitation déjà citée, on joue sur les mots : est-ce que ces privilégiés connaitront le détail de la politique sur les hydrocarbures, ou est-ce qu’ils en auront seulement les grandes orientations? Avec ces informations, pourront-ils tirer profit de ces connaissances « d’initiés »? Quoi qu’il en soit, il y aura une perception de favoritisme.
On sait que le lobby de l’industrie est très fort et très actif. On peut penser à Dan Gagnier qui a dû démissionner du PLC pendant la campagne électorale parce qu’il avait donné de l’information à TransCanada. Ou à Patrice Ryan[ii]. Ce fils d’un ancien chef du PLQ milite à la commission politique de ce parti et est aussi lobbyiste pour TransCanada auprès du gouvernement du Québec; il va défendre le projet de pipeline Énergie Est. Sommes-nous devant un manque apparent de transparence et d’impartialité? Même en l’absence de preuves qui sauraient satisfaire le commissaire Renaud Lachance, cela laisse un mauvais goût dans la bouche du citoyen moyen.
La combinaison de la partisannerie politique et du lobbyisme risque d’être néfaste pour la société québécoise. Rappelons que, vers 2004, le projet du Suroît visait la construction d’une centrale thermique alimentée au gaz naturel. Devant le tollé populaire, le gouvernement Charest a dû faire marche arrière. Toutefois, la centrale de TransCanada Énergie a été construite à Bécancour. Comment se fait-il que la planification d’Hydro-Québec ait été si déficiente que cette usine a dû être fermée après 18 mois d’opération parce qu’on n’avait pas besoin de cette énergie. Et comme cette centrale est un PPP (partenariat public-privé), il faut payer environ 140 millions par année à TransCanada Énergie pour qu’elle ne produise pas d’électricité!
Mais ce n’est pas tout! Si vous voulez voir le comble du ridicule, visitez le site de Gaz Métro[iii]. Le 8 juillet dernier, à Bécancour, cette compagnie a présenté officiellement son projet « de stockage et de regazéification de GNL ». Pour produire de l’électricité pendant une centaine d’heures par année durant les grands froids d’hiver, il faudra débourser 45 millions de dollars. Donc, Hydro-Québec (c’est-à-dire le contribuable) devra verser 140 millions par année à TransCanada Énergie pour qu’elle ne produise pas d’électricité, et 45 millions de plus pour qu’elle en produise pendant une centaine d’heures! Au bout de 20 ans, ça fait combien de milliards? Sont-ce les jeux de coulisses qui ont engendré une telle absurdité?
L’exposition des grandes orientations de la future politique énergétique à un groupe restreint d’industriels rattachés à l’industrie extractive est le symbole que l’opinion de la vaste majorité des citoyens ne compte pas. Tout se décide derrière des portes closes! L’annonce du ministre Arcand à un club sélect est le symbole d’une « démocratie » qui est le gouvernement du 1 %, par le 1 % et pour les seuls intérêts du 1 %. À moins d’être régulièrement un invité au château de Sagard, votre opinion, ça ne compte pas!
Gérard Montpetit
Membre du CCCPEM
Le 17 janvier 2016
[i] Énergie – Le ministre expose les grandes lignes de la future politique devant un cercle restreint _Le Devoir
[ii] http://quebec.huffingtonpost.ca/michel-seymour/philippe-couillard-pipeline-transcanada_b_8944932.html?utm_hp_ref=canada-quebec&ir=Canada+Quebec