Après la crise du déversement de diesel à l’usine d’épuration de Longueuil, l’heure est au bilan de cette crise de l’eau[1]. N’oublions pas qu’à Montréal, en mai 2013, il y avait eu un avis d’ébullition. Là aussi il y avait eu des pleurs et des grincements de dents. Mais au moins, en 2013, les Montréalais avaient pu boire l’eau et l’utiliser pour cuisiner… après l’avoir fait bouillir. Pour les citoyens de Longueuil, c’était pire; un avis de non-consommation veut dire qu’on ne peut même pas utiliser l’eau pour se brosser les dents! À la SRC, la mairesse, madame St-Hilaire, a déclaré que la ville avait même songé, pendant un moment, à émettre un avis de non-utilisation; si cette décision avait été prise, la seule chose qu’un Longueuillois aurait pu faire aurait été d’actionner la chasse d’eau.
À Montréal comme à Longueuil, ces deux incidents nous démontrent que l’accès à l’eau est plus important que de gagner le million à la loterie. Imaginons maintenant qu’une grande ville tire le mauvais numéro, c’est-à-dire que son approvisionnement d’eau est contaminé par la fuite d’un oléoduc, comme celui de TransCanada Est. On prévoit que ce pipeline transportera 1 100 000 de barils par jour. Si vous faites le calcul, vous réaliserez que cela équivaut à 764 barils à la minute. À 159 litres/baril, il passera 121 476 litres à la minute dans ce tuyau, soit 2024 litres à la seconde.
En cas d’accident, si le personnel de l’oléoduc est très attentif l’instant précis où se produit la rupture près d’une rivière et s’il n’y a pas de cafouillage dans les communications et si les capteurs fonctionnent adéquatement et si les vannes se ferment correctement en une minute, environ 122 000 litres de pétrole lourd se déverseront dans l’eau. Que la fuite ne dure qu’une seule minute repose sur beaucoup de « si »! Celle qui a eu lieu dans la rivière Kalamazoo en 2010 a duré dix-sept heures. Quatre ans et un milliard de dollars plus tard, le nettoyage de cette rivière du Michigan n’est toujours pas terminé!
Depuis l’Alberta, l’oléoduc Énergie Est de TransCanada traverserait des centaines de plans d’eau, plus de trente rivières au Québec. Même une fuite en Ontario dans le bassin versant de l’Outaouais pourrait nous paralyser puisque l’eau contaminée en amont finirait par polluer les prises d’eau de la région montréalaise.
L’eau, c’est la vie. Que vaut un accès au pétrole de TransCanada Est si notre approvisionnement en eau est contaminé par une seule minute de circulation de l’or noir provenant de cet oléoduc? Même si la probabilité qu’un incident majeur se produise est aussi mince qu’une chance sur cent durant la vie utile de cette infrastructure, nous sommes assurés que chaque litre polluera un million de litres de notre eau.
Qu’est-ce qui est le plus important? Que les actionnaires de TransCanada et ses partenaires gagnent des millions de dollars ou que nous ayons l’assurance de boire une eau saine? Une semaine après l’incident, les 300 000 citoyens de Longueuil vous donneront une réponse sans équivoque.
Est-ce qu’il faut se fier à LA CHANCE que TransCanada Est n’ait pas d’accident pour être assuré de boire une eau libre d’hydrocarbures? J’ose affirmer que la saine gestion de la santé et du bien-être de la population ne devrait jamais dépendre des résultats d’un jeu de hasard.
Gérard Montpetit
La Présentation, QC
Le 19 janvier 2015
membre, CBV Salvail (Comité du bassin versant de la rivière Salvail)
1] La Presse, édition papier du 17 janvier 2015, pages A2 et A3